Il est communément admis que le rôle du juge est de trancher les conflits, de dire le droit et d’appliquer la loi. Mais ce rôle recouvre-t-il la totalité des missions du juge ? On peut se poser la question lorsque l’on considère que — sauf en matière d’ordre public ou de droits indisponibles — de plus en plus de gouvernements n’incitent à ne recourir à la loi que lorsque d’autres modes de règlement des conflits ont échoué. La finalité suprême de l’institution judiciaire est d’assurer la paix sociale. Le juge peut certes tenter de remplir cette mission en disant le droit, en appliquant la loi, en tranchant les litiges, mais il peut aussi le faire en ordonnant des médiations, en désignant un conciliateur de justice, en conciliant lui-même les parties ou en favorisant tout mode de règlement amiable des différends. On réalise ainsi que trancher les litiges conformément à la loi applicable n’est que l’un des moyens mis au service du juge pour lui permettre d’accomplir sa mission de pacification sociale. Trancher des litiges en appliquant la loi ne constitue pas une fin en soi pour le juge. Il obéit à un impératif supérieur : rétablir et garantir la paix sociale. C'est tellement vrai que, même en matière pénale, le législateur autorise souvent les magistrats à ne pas faire application de sanctions pénales lorsque, dans le cadre d'une médiation pénale, un accord a pu être trouvé entre le délinquant et sa victime. Sur le plan politique, on constate que les Nations-Unies ont constitué un corps de médiateurs internationaux. Au siècle dernier, les guerres se répétaient environ tous les 30 ans, malgré la signature des traités de paix. Faut-il rappeler les guerres de 1870, 1914 ou 1940, toutes plus meurtrières les unes que les autres ? Et voici que grâce à l’avènement de l’Europe et au dialogue renoué, les peuples européens maintiennent entre eux des relations harmonieuses depuis près de 80 ans. La voie de la diplomatie internationale a réussi là où les rapports de force avaient échoué. En matière de justice civile ou commerciale, lorsque le différend porte sur des droits dont les parties ont la libre disposition, qu’il relève du malentendu ou du non-dit, pourquoi ne pourraient-elles pas trouver elles-mêmes les solutions à leurs différends, sans recourir au juge, par l’écoute mutuelle et la recherche de leurs intérêts réciproques ? Mais comment faire lorsque l’on ne se parle plus et que l’on n’a plus aucune confiance envers l’autre ? C’est alors que le recours à une tierce personne, le médiateur ou le conciliateur, peut être le moyen de restaurer le dialogue. Les modes amiables de résolution des différends constituent des outils puissants que le législateur donne au juge pour lui permettre de contribuer au rétablissement de la paix social.

Béatrice Brenneur