Jurisprudence: Médiation et prescription

Cour de cassation 
chambre civile 2 
Audience publique du jeudi 10 novembre 2016 
N° de pourvoi: 15-25681 

Non publié au bulletin Rejet

Mme Flise (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat(s) 


Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : 

Sur le moyen unique : 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 juin 2015), que la société Saint Honoré a fait assigner M. X... en paiement de factures émises entre le 4 octobre 2005 et 19 octobre 2007 correspondant à des prestations d'hôtellerie et de restauration ; 

Attendu que la société Saint Honoré fait grief à l'arrêt de déclarer son action en paiement irrecevable comme prescrite alors, selon le moyen : 

1°/ que la poursuite d'une médiation a pour seule conséquence que les constatations du médiateur et les déclarations qu'il recueille sont couvertes par la confidentialité ; que, durant cette période, le paiement partiel, mais significatif d'une dette prescrite caractérise la renonciation sans équivoque à la prescription acquise, lorsqu'il est effectué en toute connaissance de cause et sans réserve ; qu'en excluant que les paiements d'un montant de 30 000 euros effectués par chèques en 2012 par M. Marc X... en toute connaissance de cause et sans réserve aient caractérisé la renonciation tacite de celui-ci à se prévaloir de la prescription acquise, aux motifs impropres à exclure une renonciation tacite que ces paiements avaient été effectués « dans le cadre de la tentative de médiation qui a échoué et alors que les parties recherchaient une transaction », la cour d'appel a violé ensemble les articles 131-14 du code de procédure civile et 2221 ancien du code civil, aujourd'hui 2251 du code civil ; 

2°/ qu'en excluant que les paiements effectués en 2012 par la remise par M. Marc X... entre les mains du créancier sans aucune réserve aient caractérisé la renonciation tacite de celui-ci à se prévaloir de la prescription à raison que ces paiements auraient été effectués « dans le cadre de la tentative de médiation » tandis qu'elle constatait que « la remise de chèques avait été effectuée directement entre les mains du créancier ce dont il résultait que cette remise ne constituait pas une opération de médiation, la cour d'appel a violé ensemble les articles 131-14 du code de procédure civile et 2221 ancien du code civil, aujourd'hui 2251 du code civil ; 

3°/ que la recherche d'une transaction au demeurant non conclue, ne fait pas obstacle à la renonciation à la prescription par un paiement effectué sans aucune réserve entre les mains du créancier ; que pour avoir relevé le caractère équivoque de ces paiements intervenus dans le cadre de la recherche d'une transaction, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 

Mais attendu qu'ayant relevé que les paiements effectués en 2012 à hauteur de trente mille euros étaient intervenus au cours de la tentative de médiation ayant échoué et alors que les parties recherchaient une transaction et retenu que M. X... avait précédemment conclu en soulevant la prescription de la demande formée par la société Saint Honoré, la cour d'appel en a exactement déduit que ces paiements, peu important qu'ils aient été faits directement à la créancière, ne caractérisaient pas la volonté non équivoque du débiteur de renoncer à se prévaloir de la prescription acquise et a déclaré, à bon droit, irrecevable comme prescrite l'action engagée par la société Saint Honoré ; 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; 

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE le pourvoi ; 

Condamne la société Saint Honoré aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille seize. 
MOYEN ANNEXE au présent arrêt 

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Saint Honoré 

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant déclaré l'action en paiement engagée par la société Saint Honoré irrecevable comme prescrite ; 

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur l'irrecevabilité des pièces n° 44, 46 et 58, M. X... soutient que l'attestation de M. Y..., et la photocopie des deux chèques émis lors des pourparlers dans le cadre de la médiation en 2012 seraient irrecevables comme couverts par le secret de la médiation et émise par le demandeur pour la première ; mais que la cour relève qu'outre que l'irrecevabilité de ces pièces produites en première instance n'a pas été soulevée devant les premiers juges, elles ne sont pas concernées par le principe de confidentialité relatif à la médiation qui ne couvre que les opérations de médiation et les déclarations des parties, ce qui n'est pas le cas de la remise de chèques effectuée directement entre les mains du créancier ; que, sur la fin de non recevoir tirée de la prescription, en vertu des dispositions de l'article 2271 ancien du code civil, applicable au litige s'agissant de factures d'hôtellerie toutes émises entre le 4 octobre 2005 et le 19 octobre 2007, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, l'action des hôteliers se prescrit par six mois ; que la société Saint Honoré soutient que son débiteur aurait renoncé à la prescription de façon non équivoque et conforme aux dispositions de l'article 2221 ancien du code civil selon lequel : « la renonciation à la prescription est expresse ou tacite ; la renonciation tacite résulte d'un fait qui suppose l'abandon du droit acquis », en versant la somme de 40 000 euros et celle de 20 000 euros en 2007 ainsi que celle de 15 000 euros à deux reprises en 2012 et que la reconnaissance tacite des droits du créancier résulte du paiement effectué par le débiteur lequel ne peut ainsi invoquer tardivement une prétendue intention libérale ; mais que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que les paiements effectués en 2012 à hauteur de 30 000 euros ne pouvaient valoir renonciation non équivoque de M. X... à se prévaloir de la prescription puisque ces paiements sont intervenus dans le cadre de la tentative de médiation qui a échoué et alors que les parties recherchaient une transaction ; que la cour ajoute que M. X... avait précédemment conclu en soulevant la prescription de la demande de la société Saint Honoré ; que c'est également à juste titre que le tribunal a retenu que les paiements effectués en avril et novembre 2007 pour un montant total de 60 000 euros ne pouvaient valoir renonciation non équivoque à la prescription relative aux factures les plus anciennes alors prescrites et valaient uniquement paiement des factures en cours ; que la cour relève que la société Saint Honoré ne peut invoquer utilement les règles d'imputation des paiements sur les créances les plus anciennes et donc prescrites dès lors qu'il n'est pas démontré que le débiteur a renoncé à la prescription affectant les dites créances ; 

ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE l'ancien article 2271 du code civil, régissant le régime de la prescription avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, dispose que l'action « des hôteliers et traiteurs à raison du logement et de la nourriture qu'ils fournissent, se prescrivent par six mois ; qu'aux termes de l'ancien article 2221 du code civil, le débiteur peut renoncer à la prescription de façon expresse ou tacite, cette dernière résultant d'un fait qui suppose l'abandon du droit acquis ; que la volonté du débiteur de renoncer à son droit acquis doit être non-équivoque ; qu'en l'espèce, le défenseur invoque la prescription des factures du 4 octobre 2005 au 19 octobre 2007 et le demandeur soutient que le débiteur a renoncé à la prescription en arguant des paiements effectués par Marc X... : d'un montant de 40. 000 euros le 27 avril 2007, d'un montant de 20. 000 euros le 2 novembre 2007, d'un montant de 15. 000 euros les 2 août et 10 octobre 2012 ; que les factures du 4 octobre 2005 au 19 octobre 2007 étaient prescrites à partir du 20 avril 2008, soit six mois après l'émission de la dernière facture ; que les paiements effectués par Marc X... dans le cadre de la tentative de médiation entre les parties ne peut valoir renonciation de la prescription par le débiteur ; que les paiements effectués en avril et novembre 2007 pour un montant de 60 000 euros ne peuvent valoir renonciation non équivoque relative aux factures les plus anciennes datant d'octobre 2005, alors prescrites et valaient sans autre précision paiement de factures en cours à l'époque des règlements ; que l'action en paiement engagée par la société Saint Honoré sera, en conséquence, déclarée irrecevable comme prescrite ; 

1°) ALORS QUE la poursuite d'une médiation a pour seule conséquence que les constatations du médiateur et les déclarations qu'il recueille sont couvertes par la confidentialité ; que, durant cette période, le paiement partiel, mais significatif, d'une dette prescrite caractérise la renonciation sans équivoque à la prescription acquise, lorsqu'il est effectué en toute connaissance de cause et sans réserve ; qu'en excluant que les paiements, d'un montant de 30 000 euros, effectués par chèques en 2012 par M. Marc X... en toute connaissance de cause et sans réserve aient caractérisé la renonciation tacite de celui-ci à se prévaloir de la prescription acquise, aux motifs impropres à exclure une renonciation tacite que ces paiements avaient été effectués « dans le cadre de la tentative de médiation qui a échoué et alors que les parties recherchaient une transaction », la cour d'appel a violé ensemble les articles 131-14 du Code de procédure civile et 2221 ancien du Code civil, aujourd'hui 2251 du Code civil. 

2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, en excluant que les paiements effectués en 2012 par la remise par Marc X... entre les mains du créancier sans aucune réserve aient caractérisé la renonciation tacite de celui-ci à se prévaloir de la prescription, à raison que ces paiements auraient été effectués « dans le cadre de la tentative de médiation », tandis qu'elle constatait que « la remise de chèques [avait été] effectuée directement entre les mains du créancier », ce dont il résultait que cette remise ne constituait pas une « opération de médiation », la cour d'appel a violé ensemble les articles 131-14 du Code de procédure civile et 2221 ancien du Code civil, aujourd'hui 2251 du même code. 

3°) ALORS QU'ENFIN que la recherche d'une transaction au demeurant non conclue, ne fait pas obstacle à la renonciation à la prescription par un paiement effectué sans aucune réserve entre les mains du créancier ; que pour avoir relevé le caractère équivoque de ces paiements intervenus dans le cadre de la recherche d'une transaction, la Cour s'est déterminée par un motif inopérant en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.