Médiation en entreprise.

LA PRE-MEDIATION IMPOSEE OU SILLONNER LA MER A L'INSU DU CIEL

Comment faire, lorsque l’on est employeur, pour agir face à un conflit ?

Le plus souvent l’autorité et le bon sens suffisent.
A défaut, c’est le début d’allers-retours de Charybde en Scylla.
D’un côté, la loi impose à l’employeur de faire quelque chose en exécution de son obligation de garantir la sécurité des salariés contre les effets pathogènes du conflit, de l’autre, les salariés refusent le plus souvent de s’engager dans une médiation ou ne parviennent pas à s’entendre sur le nom d’un médiateur, tandis que l’employeur ne peut imposer une médiation.
On a vu le cas d’un employeur qui ne pouvait pas mener les NAO car les deux délégués syndicaux, qui s’accusaient mutuellement de harcèlement, refusaient de se retrouver dans la même pièce, tandis que, sur invitation de l’employeur, ils ne parvenaient pas à se mettre d’accord sur le nom d’un médiateur !
La solution est que l’employeur impose - non pas une médiation, la déontologie du médiateur l’interdit – une pré-médiation.
La différence tient plus dans le processus que dans l’art de la rhétorique.
TRUST TEST, c’est le nom de code de cette pré-médiation imposée, n’est pas une médiation au sens où le fond du désaccord n’est pas examiné.
Il ne s’agit donc « que » d’un outil de prévention de risque psycho-social.

Tout comme le compagnon maçon doit mettre un casque, les salariés en conflit doivent participer à cet entretien de pré-médiation et l’employeur peut les y contraindre au titre de son pouvoir de direction et les salariés doivent y participer en exécution du lien de subordination.
Le processus est très structuré et se déroule en une seule et même journée.
Il comporte un premier entretien (il s’agit d’entretiens et non de séances : on n'est pas chez le psy !) en individuel avec chacune des personnes concernées.
C’est un temps de transparence.
La distinction est clairement faite entre médiation et pré-médiation.
Comme il n’est pas question du fonds du problème, la question de la confidentialité n’est pas sujette à méfiance.
La lettre de mission donnée par l’employeur est, avec l’accord de ce dernier, portée à la connaissance des personnes concernées.
Le rappel du caractère obligatoire a plutôt pour effet de rassurer. Les qualités relationnelles du « prémédiateur » font le reste, c’est-à-dire l’essentiel.
L’entretien de pré-médiation lui-même a pour ressort l’intervention systémique. On y trouve en particulier :
1) le questionnement circulaire (qu’est-ce que vous pensez que l’autre pense ?)
2) la reformulation avec la clarification qui la sous-tend
3) l’examen des inconvénients, des avantages et de la qualité de la relation utile à mener une médiation et qui sont déterminés en mode coopératif.

Au bout du bout cette pré-médiation peut avoir pour effet de sillonner la mer à l’insu du ciel.
Autrement exprimé, se met en place une discussion sur l’intérêt de discuter, ce qui est déjà discuter pour tenter de se mettre d’accord sur le processus qui permettra de sortir du conflit, par exemple une médiation.
Le plus souvent cette pré-médiation permet soit de débloquer la situation, soit invite à corriger un dysfonctionnement organisationnel ou relationnel. Au pire il ne se passe rien, sauf tout de même que l'employeur a exécuté son obligation de sécurité et qu'il est en mesure de justifier avoir mis en oeuvre une prévention.

JEd ROBIOU du PONT est avocat à NANTES, spécialiste en Droit du travail. Expert de l’intervention systémique, il met en oeuvre des processus simples et astucieux pour solutionner des problématiques complexes et enkystées. Il conduit également des médiations de projets pour permettre à l’employeur que les équipes s’approprie les changements en participant à leur élaboration.
avocats@12saintyves.fr

Le Journal du Management
juridique et réglementaire. Droit social p. 6

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