Ce documentaire passionnant confronte victimes et condamnés à de longues peines dont les affaires peuvent se faire écho.
Par Hélène Riffaudeau - NouvelObs -Publié le 30 avril 2019 à 17h00
Lors du tournage d’un précédent documentaire consacré à la prison, Johanna Bedeau avait fait la connaissance d’un récidiviste, agresseur d’une jeune femme, pour laquelle il avait, déclarait-il, « beaucoup de sympathie ». C’est cette conversation improbable qui lui a donné l’envie de filmer, pendant trois mois, une expérience inédite menée à la maison centrale de Poissy : les « Rencontres détenus-victimes ». Entourés de deux animateurs, des victimes et des condamnés à de longues peines - dont les affaires ne sont pas corrélées mais peuvent se faire écho - se rencontrent pour essayer de dialoguer, de (se) comprendre, avec la sincérité pour seul mot d’ordre. Autour de la table, il y a Emma, victime d’une tentative de viol alors qu’elle dormait ; Stéphanie, maman d’un ado de 14 ans dont le père a été assassiné ; et Pascale, qui a subi, avec sa fille, un home-jacking au cours duquel elles ont été, toutes les deux, séquestrées. Face à elles se trouvent José, condamné à dix-sept ans de prison pour avoir tué son épouse ; Christophe, incarcéré depuis vingt ans pour tentatives de viol et de meurtre ; et Stéphane, derrière les barreaux depuis seize ans pour homicide volontaire avec préméditation. Qu’ils se trouvent du bon ou du mauvais côté, chacun des participants doit alors affronter son passé.
De ce dialogue jamais évident, toujours fragile, une parole forte jaillit au fil des six séances. Emma, dans sa souffrance, se demande toujours pourquoi son agresseur s’est attaqué à elle. Alors elle interroge Christophe sur son passage à l’acte. José explique à Stéphanie pourquoi, lors du procès, il n’a pas réellement expliqué son geste. Christophe aimerait qu’on reconnaisse qu’il « peut aussi souffrir de ce qu’ [il a] fait ». Stéphane, lui, confesse que, seize ans après, il donnerait « sa vie pour que [l’homme qu’il a tué] revienne ». Quant à Pascale, elle voudrait être rassurée sur le désir de vengeance de ses agresseurs, à leur sortie de prison. Un documentaire exceptionnel sur une nouvelle justice qui n’est plus seulement punitive mais également - c’est le terme technique - restaurative.
Voir le Documentaire de Johanna Bedeau sur Youtube : https://youtu.be/kX7jmr5WMBs
C’est un aspect intéressant de la médiation qui interpelle fortement chacun d’entre nous…