Paru dans Village de la justice
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50275 lectures- VENDREDI 16 JUILLET 2004
La transaction est un contrat permettant de mettre fin à une contestation née ou de prévenir une contestation à naître. C’est un contrat civil, régi par le Code civil, aux articles 2044 à 2058. Cependant, la transaction est beaucoup utilisée en droit du travail. Par le biais de ce contrat, l’employeur et le salarié évitent ou terminent un litige. La transaction peut permettre de régler des différends relatifs à l’exécution même du contrat (soc, 10 mars 1998, pourvoi n°95-43094). Mais, elle est le plus souvent employée pour régler les conséquences financières de la rupture du contrat. Dans cette hypothèse, elle ne peut intervenir que lorsque la rupture est intervenue et est définitive, c’est-à-dire, en pratique, après réception par le salarié de la lettre de licenciement dans les conditions de l’article L. 122-14-1 du Code du travail.
L’utilisation de la transaction comporte en effet de nombreux avantages en droit social. Elle présente principalement l’intérêt d’éviter les longueurs d’une procédure judiciaire et d’obtenir ainsi une indemnisation plus rapide. Néanmoins, la transaction peut parfois être détournée de ses objectifs initiaux et masquer des ruptures abusives ou sans cause, elle peut aussi servir à sous indemniser le salarié.
C’est pourquoi un important contentieux s’est développé à propos de la transaction. Cela pousse le juge à mieux contrôler les conditions de validité et le contenu de la transaction.Dernière mise à jour : 19 novembre 2004
I/ Les conditions de validité de la transaction
A/ La transaction est soumise aux conditions générales de validité des conventions
Selon l’article 2045 du Code civil la capacité des parties de disposer des objets compris dans la transaction est un élément de sa validité. Les parties peuvent se faire représenter en vertu d’un mandat. En la matière, la cour de cassation considère que le salarié n’est pas tenu de vérifier les réels pouvoirs de la personne signataire, dès lors que celle-ci s’est comportée comme le représentant de la société (soc, 1er décembre 1982, pourvoi n°80-41399). Cette utilisation de la théorie du mandat apparent pour l’employeur est utile en pratique, puisque c’est souvent un responsable des ressources humaines ou du personnel qui va signer la transaction et non pas le directeur de l’entreprise. La protection du salarié est ainsi mieux assurée.
L’objet de la transaction doit être licite. D’après l’article 2046 du code civil, on ne peut pas transiger sur des matières intéressant l’ordre public. La transaction va pouvoir ainsi être annulée lorsqu’elle contrevient à des dispositions d’ordre public de droit du travail (par exemple les dispositions relatives à la rupture unilatérale d’un CDI ou en présence de salariés protégés).
L’objet de la transaction doit être certain. De fait, une contradiction des termes de la transaction pourrait conduire à son annulation pour défaut d’objet selon l’article 1108 du code civil.
La transaction doit respecter des conditions relatives au consentement. Tout d’abord le consentement doit exister. Le salarié doit avoir réellement consenti. Ce n’est par exemple pas le cas lorsqu’il ne comprend pas le français (soc, 14 janvier 1997, pourvoi n°95-40287).
Ensuite, d’après l’article 2053 du Code civil, le consentement doit être exempt de vices. En effet, la transaction peut être rescindée lorsqu’il y a erreur " dans " la personne ou sur l’objet, et dans les cas de dol ou de violence. C’est au salarié de démontrer l’existence du vice du consentement. On peut préciser que c’est à propos d’un litige concernant une transaction (il est vrai, en matière d’assurances) que la cour de cassation a eu l’occasion de consacrer la " violence économique " au titre de vice du consentement (CIV.1ère , 30 mai 2000, Bull civ I n°169).
En revanche, l’article 2052 du Code civil dispose que la transaction ne peut être attaquée pour erreur de droit ou lésion. La lésion concerne la hauteur et le montant des concessions, qui n’ont pas besoin d’être vérifiés, la stricte proportionnalité n’étant en effet pas exigée. De même, le seul défaut d’information du salarié sur ses droits ne permettait pas l’annulation de la transaction.
B/ La transaction est soumise à des conditions spécifiques
En premier lieu, un différend doit être à l’origine de la transaction. Il doit exister matériellement. Ainsi, une transaction masquant un faux licenciement ou un motif inexistant est nulle (SOC., 15 juillet 1998, Bull civ V n°385).
En second lieu, c’est l’élément le plus caractéristique de la transaction, l’existence de concessions réciproques. Cette condition n’est pas prévue par les textes mais résulte de la jurisprudence. La concession doit donc être effective, celle qui place l’employeur dans une situation où il tire lui même profit n’en est pas une.
Si la cour de cassation n’exige pas une parfaite proportionnalité des concessions, il faut néanmoins que celles-ci ne soient pas dérisoires (soc, 10 juillet 2001 n°3474), elles doivent être appréciables (soc, 19 février 1997, Bull civ V n°74). Par exemple, sont qualifiées de concessions réciproques le fait pour l’employeur de renoncer à invoquer une faute grave et en contrepartie pour le salarié de renoncer à des dommages et intérêts pour rupture abusive (soc, 27 janvier 1983), ou le fait pour le salarié de démissionner avec une indemnité plus importante qu’en cas de licenciement (soc, 17 novembre 1984). En revanche, ne constitue pas une concession, le versement d’une indemnité d’un montant dérisoire (soc, 28 novembre 2000, RJS 2001 n°197).
Enfin, l’existence de ces concessions réciproques doit s’apprécier au moment ou la transaction est conclue (soc, 27 mars 1996, pourvoi n°92-40448).
Dans son appréciation de la validité de la transaction, le juge peut vérifier l’existence du motif de licenciement et contrôler la qualification des faits invoqués à son appui. Cependant il ne peut trancher le litige que la transaction avait pour objet de clore.
Concernant la forme de la transaction, l’article 2044 du code civil exige un écrit. Cependant la cour de cassation considère que l’écrit n’est pas exigé pour la validité du contrat (1ère civ, 18 mars 1986, Bull civ I n°74). L’existence de la transaction peut être rapportée par les modes de preuves prévus en droit des contrats aux articles 1341 et suivants du code civil. La preuve peut donc être rapportée par présomptions (soc, 9 avril 1996, pourvoi n°93-42254).
La date de la transaction est un élément important à prendre en compte.
De fait, celle-ci ne peut être conclue qu’une fois la rupture du contrat de travail devenue définitive. Si dans un premier temps la cour de cassation avait admis que la transaction puisse être conclue dès que le principe de la rupture était acquis, et ce, même si le licenciement n’était pas encore notifié, depuis un arrêt du 29 mai 1996 (Bull civ V n°215), elle décide que la transaction qui met fin à un litige résultant d’un licenciement ne peut être valablement conclue qu’une fois la rupture intervenue définitivement.
On en déduit que la transaction ne peut pas concerner les droits liés à la rupture, et que le licenciement doit respecter les formes et délais légaux. C’est pourquoi, la transaction ne pourra être conclue qu’une fois la lettre de licenciement envoyée et reçue par le salarié dans les conditions de l’article L122-14-1 du code du travail. La cour de cassation a même érigé cet envoi en condition de validité de la transaction (soc, 18 février 2003, pourvoi n°00-42948).
Le cas particulier des transactions conclus avec des représentants du personnel doit être envisagé. Ces salariés bénéficient en effet d’une protection particulière qui ne peut donc en principe faire l’objet d’une négociation.
La transaction ne sera possible qu’après l’obtention d’une autorisation de licenciement par l’inspecteur du travail. Il est préférable d’attendre que cette autorisation soit définitive, cependant la cour de cassation a admis la validité d’une transaction alors qu’un refus d’autorisation avait été annulé par le tribunal administratif et qu’un recours contre le jugement était pendant devant le Conseil d’Etat (soc, 19 mai 1998, pourvoi n°96-40461). La transaction sera notamment utile pour régler les conséquences pécuniaires de la rupture.
En cas de refus d’autorisation administrative de licenciement, ou en cas de défaut de demande d’autorisation, le licenciement est en principe nul et constitutif de voie de fait, le juge peut ordonner une réintégration du salarié. La transaction intervenue dans cette hypothèse reste néanmoins valable, mais elle ne peut régler que les conséquences civiles de la rupture, ne fait pas obstacle à d’éventuelles poursuites pénales contre l’employeur et ne peut pas contenir de dispositions aux termes desquelles le salarié renonce à des dispositions protectrices d’ordre public.
Le salarié peut néanmoins renoncer à sa réintégration dans une transaction, moyennant le versement d’une indemnité. La cour de cassation l’a admis dans le cas où l’employeur avait refusé la réintégration, le salarié avait accepté dans la transaction de renoncer à des poursuites contre l’employeur à ce sujet (Arrêt Lesprit, Crim, 4 février 1992, pourvoi n°90-82330), mais aussi même lorsque la réintégration n’a pas encore été sollicitée (soc, 5 février 2002, pourvoi n°99-45861).
II/ Les effets de la transaction
La transaction est pourvue de l’autorité de chose jugée en dernier ressort (article 2052 du Code civil). Elle emporte donc renonciation de la part des parties à contester les conditions d’exécution ou de rupture du contrat de travail. La renonciation doit résulter d’une volonté ferme et non équivoque, elle ne se présume pas.
L’article 2049 du Code civil fixe la portée des transactions. La transaction ne doit s’appliquer que pour les points qu’elle vise. Les clauses contractuelles destinées à être appliquées postérieurement à la rupture ne rentrent donc pas dans le champ de la transaction. C’est le cas, entre autres, des clauses de non-concurrence (soc, 6 mai 1998, Bull civ V n°228).
Il peut arriver que la transaction doive être interprétée par le juge. Dans ce cas, celui-ci devra s’attacher à rechercher la commune intention des parties (soc, 2 juillet 1996, pourvoi n°93-43529).
En tout état de cause, les parties peuvent toujours demander la résolution d’une transaction dont les termes ne seraient pas respectés. Dans ce cas, elles se retrouvent dans la situation juridique initiale (soc, 7 juin 1989, pourvoi n°86-43012).
La transaction peut bien entendu être annulée pour les causes que l’on a vu précédemment. La nullité de la transaction entraîne la restitution des sommes versées en exécution de celle-ci (soc, 22 avril 2001, pourvoi n°99-41499).
La nullité de la transaction résultant du fait que le licenciement n’a pas été notifié est relative. Edictée dans le seul intérêt du salarié, elle ne peut donc être invoquée que par lui et non pas par l’employeur (soc, 28 mai 2002, RJS 2002 n°970).
La nullité est en revanche une nullité absolue lorsqu’elle concerne la transaction conclue avec un représentant du personnel, tout intéressé peut donc s’en prévaloir.
Ainsi, comme on peut le constater, la pratique de la transaction est aujourd’hui bien encadrée, notamment par la jurisprudence, ce qui permet au salarié d’être mieux protégé et de bénéficier de certains recours. Ainsi, il peut accepter de conclure une transaction avec son employeur, et ainsi bénéficier de ses nombreux avantages, comme l’indemnisation rapide, sans craindre de perdre le bénéfice de ses droits.
Chantal Meininger Bothorel, Avocate
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